vendredi 1 juillet 2011

délire géographique I

« Il faut faire l’acrobate tout le jour pour avoir l’air d’exister » Rimb


Nous nous étions laborieusement éloignés des côtes omanies lorsque ces visions estranges ont commencé à s’amplifier et à se préciser. C’est que l’immensité liquide en mouvement sur laquelle nous avancions, à force de s’étendre, devenait de plus en plus petite. L’horizon devenait flexible, il commençait ¬à se tordre sans plus du tout chercher à se dissimuler.
Quant à savoir quelle était la cause de son hilarité ce serait comme interroger la raison profonde de l’existence d’un arbre.
Cette courbature colossale devait être à la fois l’origine et la résultante de ces hallucinations incantatoires.

Un matin je me suis retrouvé à bord d’une petite barque traversant à la rame la Tanzanie, transformée en une mer de la taille de la place de la Bastille. Je venais de passer la frontière kenyane, radotant encore contre les 30 dollars que je venais de payer. Je ramais comme un fou contre les flots sauvages pour atteindre le Mozambique avant l’expiration de mon permis de passage. Je vis alors s’approcher des vedettes libyennes qui s’imaginaient que j’étais passé clandestinement sur leur territoire. Mais que venaient-elles faire ici a mille lieues de leur juridiction ? Avaient-elles elles aussi apprises une chose secrète sur l’idée de distance ?
Je ne voyais qu’un immense puzzle aux pièces rouges, bleues et jaunes, et au-delà d’un ruisseau le phare de Sydney d’où s’envolaient des avions vers la minuscule péninsule européenne.

Une autre fois, je me suis retrouvé en rade au milieu de la Sibérie à son tour liquéfiée, dérivant à toute vitesse vers les sombres falaises de l’Okhotsk.

Il fallait cependant que je finisse par toucher un bout, un bout rond qui n’en était donc pas un. J’avais amarré mon mât dans une baie raisonnablement abritée et avait mis pied à terre. Le ciel était noir. Je me trainais sur une vaste prairie humide où s’affrontaient tous les vents de la rose. Une odeur mouillée d’Ecosse… c’était la Terra Incognita ! Le continent australe tant recherché, objet de fantaisie de tous les cartographes de la terre !
Mais ce n’était qu’une terre dénudée où la vie exténuait.
Lorsque j’arrivai au sommet, sous une nuit immaculée et sans lune, je vis que le diamètre de l’astre ne faisait plus que quelques centaines de mètres. Avant de ne pouvoir plus me tenir sur mes pattes et de tomber à la renverse, je me mis, vacillant, à descendre de l’autre côté.

Mais cessons tout de suite ces remémorations fastidieuses. Un rêve qui enveloppe le réveil de sa présence chaude comme l’odeur du pain chaud qui se répand au matin est déjà quasi insaisissable au souvenir quelques minutes à peine après le décalage horaire. Croirait-on peut-être que le souvenir de ce qui a été vécu éveillé quelques mois ou semaines plus tôt soit plus vivace ?

novembre 2009

mercredi 22 juin 2011

Le passeur de Pemba



En arrivant au débarcadère de l'île de Pemba, île située à une cinquantaine de mille au nord d'Unguja, l'île principale de l'archipel de Zanzibar, je me suis fais aborder par un garçon d'une vingtaine d'années. Après m'avoir accompagné auprès de l'agent en charge des affaires du port – où je devais signaler mon arrivée et surtout convaincre pécuniairement l'agent à m'autoriser à embarquer pour la Tanzanie –, il me propose de m'aider à trouver une nouvelle embarcation et à obtenir ce que je devais bien avoir besoin en attendant un départ qui devait être suffisamment retardé pour que je puisse me faire estamper un minimum. C'est-à-dire en somme ce que, partout en Afrique, un Blanc expérimente à la descente d'un bus, d'un train ou d'un bateau. 

Mais ces cicérones, malgré leurs techniques plus ou moins élaborées de rabattage et leurs boniments, sont souvent d'une aide précieuse lorsque l'on arrive dans un nouvel endroit ou peu de gens parlent anglais... on a donc chacun quelque chose à tirer de l'autre et on peut s'entendre. 

Je n'ai généralement pas peur dans ce genre de situation d'être curieux et d'en venir directement à ce qui m'intéresse. Je sais d'avance que notre entrevue sera fugace et que je dois me dépêcher de puiser l'air de rien des renseignements inattendus. Pour cela, il faut aussi ne pas faire naître de soupçons, qui dans certains endroits reculés naissent spontanément, quant à la raison pour laquelle on est là. Mais à Pemba cela n'est pas un problème puisque les habitants ont l'habitude de voir passer des Européens (dans les 2 ou 3 semaines ayant précédées mon arrivée, les papiers de l'agent sur lesquels j'ai pu jeter un coup d’œil m'ont appris qu'au moins un couple de Danois et un ou deux autres solitaires ont cherché à embarquer). 

Je suis donc très vite arrivé à l'amener à me parler de choses qui intéressent ma curiosité. Et c'est avec une franchise et une simplicité déconcertante qu'il m'a longuement parlé de ses activités.

Ce garçon fait partie depuis déjà quelques années d'un équipage de passeurs opérant entre Mombasa et la frontière du Mozambique. D'après lui, trois ou quatre bateaux de Pemba se livrent à cette activité, qui ne peux ne pas faire penser à une autre activité florissante dans la région au XIXème siècle, avec quelques autres bateaux de la côte tanzanienne et kenyanne. Je me suis précipité sur l'aubaine, lui posant toutes les questions qui me venait par la tête.

Il ne trouvait pas gênant le moins du monde de me décrire par le détail ses opérations et je ne crois pas du tout à du bluff tant tout ce qu'il me disait paraissait simple, habituel, et que je ne voyais pas l'intérêt qu'il pouvait avoir à me baratiner sur un tel sujet.

C'est régulièrement qu'il participe à ces passages de Somaliens et d’Éthiopiens vers la côte du Mozambique, d'où ceux-ci espèrent gagner l'Afrique du sud, le pays à atteindre à défaut de pouvoir gagner l'Europe.
Il effectue plusieurs traversées par mois avec une centaine de passagers. Le dernier bateau en construction, qu'il m'a fait voir (photo), plus gros que tous les autres, devrait pouvoir en transporter jusqu'à 200. C'est un de ces mashuas, bateaux enhuchés, dont on se sert encore beaucoup entre les îles et la côte des Swahilis pour le transport de marchandises.

Si on pense aux milliers de Somaliens et Éthiopiens qui tentent chaque année la traversée du Golfe d'Aden et aux plus de mille Somaliens qui se déversent chaque jour au Kenya, on peut imaginer qu'un très grand nombre tente de passer le long de l'Océan Indien et de tels équipées avec des centaines de passagers ne peuvent guère surprendre*.
L'agent de l'immigration qui me tamponna mon passeport à la frontière tanzanienne, de l'autre côté de la Ruvuma (poste frontière de Kilambo), me dit qu'ils attrapaient environ un bateau de clandestins chaque semaine (j'ai vu, du côté mozambicain, une vingtaine d’Éthiopiens hébétés, dont personne ne pouvait comprendre la langue, attendre sous un arbre ce qu'on allait faire d'eux).

Avec la plus grande simplicité, le gars de Pemba m'explique que les passagers payent environ $1 500 leur traversée tout compris de la Somalie au Mozambique. Sur cette somme la traversée en bateau coûterait $300. Si on retient le chiffre de 100 passagers cela fait donc quand même $30 000 par passage...

La mise du personnage était loin de refléter de la richesse et il avait encore besoin, comme il le fit après m'avoir quitté, d'aller se faire employer une heure ou deux, avec une quinzaine d'autres désœuvrés, comme portefaix sur le port à l'occasion de l'arrivé sporadique de petits cargos. 

La traversée de Mombasa au Mozambique dure 4 jours. Environ 400 milles parcourus dans des conditions extrêmes : départ nocturne, passage très au large et avec de préférence une mer agitée pour passer inaperçu. L'arrivée au Mozambique doit en particulier se faire très discrètement, à la nuit tombée et dans la précipitation (l'équipage jette quasiment les passagers à la mer, à distance de la côte, comme cela se fait couramment le long des côtes du Yémen). 

Il eut cette remarque sur un ton amusé : « Les Somaliens eux sont costauds, ce sont des forces de la nature, ils meurent pas eux, jamais ; en revanche, il y a toujours trois ou quatre cadavres parmi les Éthiopiens à la fin du voyage ».


   le dernier mashua en construction destiné à transporter jusqu'à 200 clandestins... 



un cargo échoué contre le quai à marée basse



la poupe d'un mashua appareillant à vide pour Shimoni



* Rien qu'au mois d'août 2011, 3 700 Somaliens auraient atteint le Yémen d'après le HCR ; qui donne aussi des chiffres variant autour de 1 000 et 1 500 Somaliens qui passeraient quotidiennement dans la région kenyanne voisine de la Somalie, Dadaab (www.unhcr.org.hk/unhcr/en/news_and_updates, “Somali exodus slows in Horn of Africa but grows in Yemen”, 2 septembre 2011).

vendredi 20 mai 2011

jeudi 7 avril 2011

uSwahilini


l'arbre des flots


captain




Dar







dimanche 20 mars 2011

Mozambique express










































































"What I am doing here ? I am doing my business... I am selling my patatoes"








dimanche 16 janvier 2011

mercredi 12 janvier 2011

Inhanbane, Vilanculos





















































































































"il est mieux d'imiter que d'envier"