jeudi 7 mai 2009

apercu historique et géographique de la plus occidentale ile de Grèce

la ville de Corfou est entouree de deux forteresses construites par les Venitiens, la "vieille" dans le fond, la "nouvelle" a droite


“Nous habitons une ile écartée, que battent les flots de la mer, aux extremités du monde ; et nul autre peuple n’a de relation avec nous”... Voilà à quoi pouvait ressembler Corfou il y 3000 ans… si l’on admet, comme la tradition en a pris l’habitude, que Schérie, ainsi décrite par Nausicaa, fille du roi des Phéaciens, rencontrant Ulysse qui venait d’y faire naufrage, est bien Corfou.
Plusieurs choses expliquent l’histoire et l’identité particulières de l’ile : sa position géographique (stratégiquement située au temps des guerres de Rome contre la Macédoine, des guerres entre Normands et Byzantins, des guerres entre Venise et l’Empire ottoman [comme Malte, Corfou a joué pendant des siècles le role de bastion avancé de l’Europe chrétienne en Méditerranée : les armées du sultan se sont cassés les dents à plusieurs reprises, en 1537, 1571 et encore en 1716, sur les murs de sa forteresse], ou encore au temps des guerres napoléoniennes entre Francais, Russes, Turques et Britanniques), ses forêts (qui expliquent que dès le Ve s. av. JC, grâce à sa flotte, Corcyre, cette autre glorieuse colonie de Corinthe – comme Syracuse –, était l’une des plus puissantes cités grecques de Méditerranée et que les Romains aient fait de l’ile pendant un temps la base arrière de leurs operations orientales), la richesse de son sol (il y a peu de temps encore, avant l’arrivée soudaine et massive des touristes ouest-européens à partir de la fin des années 1960, la majeure partie des Corfiotes vivaient de la culture des millions d’oliviers qui recouvrent l’ile ; et les subventions de l’UE ont motivé aujourd’hui nombre d’entre eux à s’en reoccuper pendant la basse saison touritistique). Jusqu’au XIXe siècle, la chronologie de l’histoire de l’ile ne correspond que par soubresauts à celle de la Grèce continentale et égéenne : jamais occupée par les Ottomans, vénitienne jusqu’à la conquête de l’ile par Napoléon en 1797 (départementalisée après le traité de Campo-Formio), indépendante pendant une courte période au sein de la République des Sept-Iles, à nouveau française, administrée par la Couronne britannique après 1814, avant d'etre finalement intégrée au Royaume de Grèce en 1864.





A l’image de sa végétation verdoyante qui la distingue des autres iles grecques (et même des autres iles ioniennes), Corfou se distingue, as far as I heard and noticed, par une population très diverse. Tout aussi dénué d’idées préconcues sur l’ile que je ne l’étais en arrivant à Malte, la première chose qui a frappé mon regard ingénu découvrant nouvellement et accidentellement ces iles méditerranéennes, c’est la diversité des gens qui vivent ici. Tout juste débarqué et venant d’Italie ou, pas plus qu’en France, personne ne daigne prononcer un mot d’anglais, je me pointe dans le premier bar et demande bêtement “do you speak English ?”. On me répond avec léger sourire sardonique “yes of course”, la barmaid venait de Nouvelle-Zélande… J’ai vite compris que la plupart des gens autour de moi parlait un anglais incomparablement meilleur que le mien et ai donc bizarrement tout de suite cessé de me considérer comme l’étranger du coin, que, même à Syracuse où j’étais pourtant évidemment loin d’être le seul, j’avais pris l’habitude d’être –disons qu’en Italie j’avais tout de suite abandonné l’idée de chercher à discuter avec qui que ce soit. J’ai d’abord pensé que la marina de Gouvia où j’ai vécu pendant une semaine et le village qui la jouxte, Kontokali, étaient un peu particuliers : bourrés d’Allemands, d’Hollandais, d’Australiens… si bien que dans les bars du village où les mariniers s’enfilent des pintes c’est plus de l’anglais (très loin de celui, infiniment plus délicat, que mes oreilles avaient pris l’habitude d’entendre à bord du Vasco) qu’on entend brailler (quoiqu’il suffit souvent de traverser la rue pour trouver une atmosphère plus locale) ; mais j'ai appris depuis qu'il en est plus ou moins de meme pour toute l'ile .

Sur environ 110 000 habitants que comptait l’ile au dernier recensement (pour une superficie de 600km2, soit deux fois celle de Malte pour une population 4 fois moindre), un grand nombre sont d’origine britannique, allemande, hollandaise… généralement concentrés par region (ainsi, le nord est de l’ile par exemple est principalement british…).

Comme de nombreuses iles (comme Malte), dont l’espace cultivable est limité, Corfou a connu d’importantes migrations, notamment vers l’Australie et les Etats-Unis. Autre chose plus originale sans doute qui a contribué à cette diversification démographique (car finalement la plupart des regions d’Europe, en particulier cotières, ont connu d’importantes migrations vers le Nouveau Monde –c’est essentiellement en France qu’on a pris l’habitude de négliger sinon de nier ce phénomène qui s’accordait mal avec la conception républicaine de la nation), du moins si j’en crois toujours tout ce que m’a raconté mon hote qui a vécu cette période, est l’impact du tourisme, en particulier britannique, à partir de la fin des années 60 et durant les années 1970 (des vols estivaux directs Londres-Corfou dès cette époque). Apparemment un phénomène de masse s’est mis en place : les jeunes corfiotes, frustrés par l’impossibilité de batifoler avec la gente feminine de l’ile au risque de se voir forcés à se marier, ont trouvé un formidable free market avec les petites anglaises qui débarquaient par milliers pendant l’été. Il faudrait quantifier le phénomène qui a vraisemblablement tourné au mythe dans la mémoire collective, mais il semble que pendant des années les jeunes de l’ile aient pris l’habitude de repérer une migonne petite anglaise dès son arrivée à l’aéroport, de la suivre, de charmer cette frêle et innocente créature fraichement extraite de son austère et pieuse boarding school, d’enchainer avec une autre, jusqu’au jour où l’idylle estivale débouche sur un mariage et une progéniture (à moins que ce soit l’inverse) –mariage souvent deçu lorsque le soleil et la plage ne suffisent plus a pallier les obstacles de la langue. Ce qui peut tenir du mythe tient aussi de la réalité puisqu’en quelques jours j’ai rencontré ou entendu parler plus d’une fois de personnes nées d’un couple mixte –ce qui a pu leur permettre plus facilement d’aller étudier en Angleterre, contribuant au haut niveau d’éducation des habitants de l’ile.
Ce qui vient d’ailleurs renforcer un heritage bien établi : les Français avaient fondé à Corfou une académie ionienne, première institution académique de Grèce, dont l’université ionienne, ouverte en 1985, est une héritère ; influence vénitienne oblige, le public corfiote, formé notamment grâce au fameux opéra de la ville (pilonné pendant la Seconde guerre), lui aussi premier de Grèce, était considéré comme un public de référence au XIXe siècle –le fin du fin pour une pièce de théatre ou un opéra était d’être “Applaudito a Corfù”.