mercredi 25 novembre 2009

Des diables rampants m'ont étonné par instant,
Et d'ineffables vents m'ont aile soudainement.



Certains y verraient la rencontre de chaines de causes, de Toulon et de Sanaa commencées, à Aden fortuitement imbriquées.
D'autres l'action de l'intelligente Providence, subornant insidieusement la position d'Altair a un frauduleux dessein, confondant l'onction d'une Hétaïre avec le jeu d'une Putain.



Je me trouvais dans une sorte d'aporie géographique : de tous les chemins de Sabaa, je me voyais, étranger en danger, refusé le viatique.

Regardons un moment le tragique du dilemme:
Soit abandonner ma route vers l'Aurore
En m'embarquant pour la sombre Cinnamomophore;
Soit, damnant mon âme autant que celle de Madoff,
tricher par les airs pour les rivages noirs du Golfe;
Soit, tel Sir Richard à La Mecque ou Harar,
Me transformer en chafeite, muet et blafard.


Or un prodige heureux m’épargna et le désastre et la plaisante farce.

L’éclaircir nécessité un petit flash-back mythologique : en effet, une branche de l'arbre théogonique a été mystérieusement laisse dans l'oubli. Il s'agit, au vrai, d'un deuxième tronc, que le premier, dans son dépérissement, a soudainement permis de croître.

On se permettra donc une parenthèse érudite :

Comme Chronos, son frere, Hasard n'a pas d'origine.
Or, à celle du puîné, de lui la descendance
S'est souvent mélangée, bien que l'ignore la Science.
Certes, ils sont généralement d'humeurs contraires,
Et se repoussent à leurs extrémités polaires,
Mais, comme le va-et-vient tout puissant de la mer,
Clio partage la couche de leurs deux hémisphères.

Mais ne nous perdons pas trop vite aujourd'hui dans ces scènes de ménages aux détails inédits.
Retenons seulement que :

Des innombrables amours de ce gai vieillard,
Qui aima ensemble les Heures, les Muses et les Graces,
Naquirent à l'insu de son bienveillant regard,
une catin, une fée et un étrange rapace.


De ces compagnes de la nuit, du jour et du matin, disons seulement de la première que c'est une comédienne:

Si sa nature n'est certainement pas maline,
Trop de temps dans la rue et sur scène
Lui a enseigné des manieres et des rimes
Qui ne sont pas vraiment les siennes.
Prisonnière d'une éternelle pantomime,
Elle semble possédée, schizophrène.

C'est avec la complicité de Possible,
Condamné a être inassouvi,
Qu'ils manigancent et distillent de mauvais doutes
Souvent aux alentours de minuit.

Cette naïade frivole et versatile,
Selon l'heure ou l'humeur ou la brise,
Porte le nom de Contingence ou Volatile,
Possibilité ou Indécise.


De la seconde, on ne connait pas grand chose, si ce n'est qu'

Elle surgit au matin comme du néant.
On l'a dit vestale cruelle et pudibonde.
Sa lucidité confine à la folie.
Elle ne se nourrit que de rancunes.
Sa suivante a pour nom Amertume.
Elle se nomme Absurdité.


Mais c'est sur la dernière qu'on doit surtout se pencher pour clore l'exposé de ces quelques fioritures et étayer la chose arrivée :

Elle est d'une innocence absolument charmante.
Bien peu savent apprécier ce subtil dosage
De pudeur et de volatilité.
Il faut savoir l'aimer dans ce retrait volage.
Elle est comme l’irrésistible voisine de palier,
toujours aimable, discrète et insaisissable.
C'est là un de ses charmes inépuisables:
Être une proximité infiniment distante.

De cette légèreté de l'improvisé,
Jaillit la promesse d'une parfaite félicité
Et d'une vie éternellement enchantée.

On peut la voir comme une fée généreuse
Ou bien comme une pallade jeune et heureuse.
On la surnomme de mille façons :
Surprise, Liberté ou Improvisation,
Coïncidence ou Impromptue,
Imprévisible ou Gratuite.


Une autre tradition l'assimile à une figure connue. On retiendra celle-la pour compléter ce tableau et en venir au propos :

Cette amie très coquette, aux caprices sans âge,
Qui du divin Hasard, est comme le badinage,
De sa riante demeure des îles Fortunées,
Veille étourdie mais fidèle à mon sort balancé.

Dans une ruelle du port a une heure avancée,
De la bouche verte et pâteuse d'une ombre édentée,
Cette nymphe reconnue sous le nom de Chloris
M'honora à nouveau de ses doux artifices.



C'est ainsi que :
Des diables rampants m'ont étonné par instant,
Et d'ineffables vents m'ont ailé soudainement.